Les femmes font toujours moins de sport que les hommes. D’après une étude Kantar TNS réalisée en 2018 pour la FDJ, environ 84 % déclarent pratiquer une activité physique ou sportive, contre 89 % pour la gent masculine. Pourtant, l’attrait pour cette discipline est bien le même.
Gard. Une nouvelle arrivante presse le pas, son sac de sport sur l’épaule. Elle est en retard. D’autres jeunes femmes ont déjà commencé leur entraînement sur le terrain de rugby. Il promet d’être agréable ; il est 19 heures et il fait encore jour. En hiver, l’obscurité et la lueur des lampadaires donnent aux joueuses une allure fantomatique. Elle rejoint le gymnase avant d’en sortir peu après. Sa queue-de-cheval est désordonnée, signe de son empressement.
J’ai dû un peu batailler […] Ma mère aurait préféré que je choisisse la danse.
Une jeune rugbywoman d’un club gardois
La voilà bientôt au milieu de ses coéquipières. Quelques minutes plus tard, le premier match commence et elle ne ménage pas ses efforts pour gagner. Il est moins de 21 heures lorsque la séance se termine. À son retour, elle est épuisée, mais souriante. « Ça défoule ! » Selon ses dires, le rugby est pour elle une évidence. « Je suis passionnée depuis toute petite, mais j’en fais sérieusement depuis mes 15 ans. Je n’osais pas me lancer avant, puis j’ai vu que le rugby féminin commençait à bouger, alors ça m’a donné envie », explique-t-elle.
Une autre de ses amies confie : « J’ai dû un peu batailler à la maison pour qu’on accepte que je fasse du rugby. Ma mère aurait préféré que je choisisse la danse. Il n’y a pas de mal à ça, mais ça ne me correspond pas ». Il existe près de 2,4 millions de rugbywomen dans le monde, pour 17 000 pratiquantes en France. Si ces chiffres sont encourageants, ils se frottent cependant à une réalité emplie de clichés : sport trop violent ou peu valorisant pour des filles, réservé aux garçons manqués…
Une fondation à la rescousse
Les filles peuvent pourtant faire aussi bien que leurs homologues dans des sports dits “de garçon”. Voire mieux. « On n’en parle pas assez, ou pas de la bonne manière », selon Grégoire Quelain, de la fondation Alice Milliat. Créée en mars 2016, il s’agit de la toute première, en Europe, à promouvoir la médiatisation du sport féminin. « Ça avance tout doucement, il y a encore des résistances », constate Grégoire Quelain.
D’après lui, en janvier 2019, seulement 5% des pages de L’équipe concernaient le sport féminin. « C’est dommage, il faudrait parler de sport sans faire de distinction ».
Les actions de la fondation s’étendent jusqu’à l’international. Elle vient en aide aux associations, fédérations, clubs, et agit pour promouvoir l’égalité hommes-femmes. Parmi ses nombreux projets, le dernier en date a été couronné de succès.
« La place des femmes dans le sport reflète celle qu’elles occupent dans la société. »
Grégoire Quelain, volontaire en service civique et chargé de la communication pour la fondation Alice Milliat
Le but du challenge Courons solidaire est de parcourir un million de kilomètres du 26 mars au 24 avril 2019.
En partenariat avec Etam, cette course a en outre permis de récolter 15 000 euros pour la fondation. Les 13 710 personnes inscrites y ont mis du cœur à l’ouvrage. Et pour cause, l’objectif a été atteint une semaine avant le temps imparti.
Un bel encouragement pour l’avenir. Néanmoins, certaines mentalités sont encore trop étriquées : la connotation masculine de certains sports est le prétexte parfait pour fermer des portes aux amatrices. C’est notamment le cas de la boxe. « La place des femmes dans le sport reflète celle qu’elles occupent dans la société », regrette Grégoire Quelain. En effet, dans le monde du travail, une femme se confronte souvent à des difficultés si elle souhaite accéder à un poste à responsabilités, d’ordinaire confié à un homme.
Alors, les femmes sont-elles réduites à ce qu’on attend d’elles ? En 2016, le constat était flagrant dans le domaine du sport. Une première étude, commandée par la FDJ, dressait le classement des sports plébiscités par les femmes : la marche, la randonnée, la natation, le running et les sports de raquettes. Toujours d’après ce sondage, 65% déclaraient pratiquer un sport pour « se sentir bien », contre 21% « pour la compétition ». Quant à la pratique, basse par rapport à celle des hommes, deux facteurs : le manque de temps et de confiance en soi.
Néanmoins, les choses tendent à évoluer — toujours à leur rythme. Les handballeuses françaises fédèrent de plus en plus de spectateurs, conséquence heureuse de leur sacre de championnes du monde, en décembre 2017. Du côté du foot, un changement est lui aussi palpable.
POUR SUIVRE LA FONDATION ALICE MILLIAT SUR INTERNET :
Texte : Mélanie DOMERGUE
Photo de couverture : DR

Football : une femme arbitre pour la première fois un match de Ligue 1
Une grande nouveauté va secouer le monde du football le dimanche 28 avril 2019. Stéphanie Frappart, 35 ans, sera la première femme à arbitrer un match de Ligue 1, entre Amiens et Strasbourg. D’ailleurs, elle est pour l’instant la seule française à vivre en partie de ses fonctions d’arbitre. En 2014 déjà, elle était la première femme à arbitrer un match pro masculin en Ligue 2.
On la retrouvera cet été, à l’occasion de la huitième édition de la Coupe du monde féminine de football. Programmée du 7 juin au 7 juillet 2019, elle réunira 24 équipes. Tous les matchs des Bleues seront retransmis par TF1 ; gageons que cette exposition pourra éveiller des vocations chez les plus jeunes, comme ce fut le cas pour les joueurs masculins.
Qui était Alice Milliat ?
Courageuse. C’est sans doute le mot qui définit le mieux Alice Milliat. Déterminée venant juste après. Elle n’était pas prédisposée au sport. Son histoire débute pourtant avec l’aviron (suivront ensuite la natation et le hockey sur gazon), au club omnisports Fémina Sport, à Paris. Elle en devient d’ailleurs la présidente en 1915 ; elle est alors âgée de 31 ans. Deux ans plus tard, Alice Milliat est l’une des fondatrices de la Fédération des sociétés féminines sportives de France. Elle est nommée présidente en 1919.
Poussée dans son élan, elle milite enfin pour inclure des épreuves féminines d’athlétisme lors des prochains Jeux olympiques. À l’époque, la femme n’était présente que pour couronner et féliciter les vainqueurs. Contre toute attente, le Comité international olympique (CIO) refuse de céder. Toutefois, Alice Milliat ne se laisse pas déstabiliser. Elle fonde ses propres compétitions féminines, en France (avec, entre autres, le championnat de football féminin), mais aussi à l’étranger. Les Jeux mondiaux féminins sont d’ailleurs la consécration de son travail. La première édition a lieu à Paris, en 1922.
La Suède prend le relai en 1926. Cette deuxième édition est alors un franc succès, si bien que le CIO revient sur sa décision et autorise les femmes à participer aux Jeux olympiques d’Amsterdam, en 1928. Aujourd’hui, plus de 45 % des épreuves olympiques sont réalisées par des sportives. Voilà un joli pied de nez au baron français Pierre de Coubertin, qui avait refondé les Jeux olympiques et qui en 1914, s’exclamait : « Une olympiade femelle est impensable : elle est impraticable, inesthétique et incorrecte ».
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