Le 14 mai 2019, l’État d’Alabama a voté le projet de loi anti-IVG le plus restrictif des États-Unis. L’avortement devrait bientôt y être interdit, même en cas de viol ou d’inceste*.
Le but : abroger l’arrêté Roe v. Wade, qui reconnaît l’avortement comme un droit constitutionnel. En 2018 déjà, Netflix produisait un documentaire pour rappeler son caractère fragile.
À l’origine de ce documentaire Netflix, on retrouve les deux cinéastes Ricki Stern et Annie Sundberg.
À l’image, Carol Tobias apparaît le buste droit et le visage impassible. La présidente du mouvement “National Right to Life” semble sûre d’elle. « Si Roe V. Wade est abrogé par la Cour suprême, nous verrons certains États interdire l’IVG, et d’autres n’y mettront sans doute que peu de restrictions. Ça ne nous arrêtera pas. Nous continuerons de lutter pour protéger les fœtus ».
Et pour cause. Aux États-Unis, le clan pro-vie grignote de plus en plus de terrain. Dans l’autre camp, on s’interroge et on ne masque pas son inquiétude. « Que la loi disparaisse ou non, les droits qu’elle garantissait ont presque disparu pour de nombreuses femmes. Si les médecins ne peuvent pas pratiquer cet acte médical, ou si les centres IVG doivent fermer leurs portes, que nous reste-t-il ? »
Durant 1 h 39, plusieurs acteurs des deux partis donnent leur point de vue. En outre, tous analysent les éléments jalonnant l’histoire américaine de l’avortement. Le temps de parole se veut plus ou moins égal. Des scènes poignantes ont été choisies pour illustrer les convictions des deux camps. Le documentaire montre les actions coup-de-poing des militants anti-IVG, la détresse des femmes, la fermeté des opposants, le désarroi et l’envie d’aider des médecins pratiquant l’avortement.
Un reportage Netflix libre d’interprétation
Parmi les grandes figures de cette bataille, les cinéastes ont choisi de représenter la sénatrice Wendy Davis, qui en 2013, a tenu un discours pendant 13 heures afin de protéger le droit à l’avortement au Texas. « On m’a posé une poche pour uriner », plaisante-t-elle avant sa prise de parole.
Et bientôt, portée par la foule présente pour la soutenir, elle vient à bout de son acte quasi héroïque. Plus tôt dans le reportage, Troy Newman, le président du mouvement pro-vie Opération Rescue, se targuait pourtant d’avoir fait fermer des centaines de centres IVG. La caméra s’arrête même sur quelques photographies des centres fermés, installées au mur comme des trophées de chasse.
Le film Netflix se veut donc libre d’interprétation et pose sans cesse la même question : « Qui a le droit de choisir ? » Si la réponse paraît simple, elle reste néanmoins influencée par des instances politiques et religieuses.
Photo de couverture : DR
Texte : Mélanie DOMERGUE
NOTES
* Le Sénat républicain de l’Alabama n’a prévu que deux exceptions. Il n’autoriserait l’avortement qu’en cas d’urgence vitale pour la mère ou d’anomalie létale du fœtus. Le projet de loi prévoit aussi de lourdes sanctions pour les médecins pratiquant l’IVG. Entre 10 à 99 ans de prison. La mesure devrait prendre effet dans six mois. L’Association de défense des droits civiques (ACLU) va se tourner vers la justice pour tenter d’empêcher l’application du texte.
L’AVIS DE LA RÉDACTION
Il est curieux de parler de chemin de croix pour définir le combat de femmes souhaitant maintenir le droit à l’avortement. C’est pourtant ce que démontre cette chronique. Le documentaire Netflix, nuancé, permet de comprendre pourquoi l’avortement est un sujet si sensible aux États-Unis. Le débat a toujours été contrebalancé, entre lobbys, enjeux religieux ou politiques.
Le reproche qu’on peut faire au documentaire Roe v. Wade : la véritable histoire de l’avortement est la rapidité avec laquelle certains épisodes historiques sont traités. Cependant, gardons à l’esprit que ce travail s’adresse d’abord au peuple américain, qui, lui, même quand il ne connaît pas tout sur ce sujet, possède un avis tranché.
Qui plus est, les témoignages récoltés sont assez nombreux et diversifiés pour donner envie de s’informer sur ce sujet par ses propres moyens. Réalisé l’année dernière, le film Netflix trouve aujourd’hui une résonance particulière. En effet, depuis le début de l’année 2019, plus de 300 mesures américaines ont été signées dans 28 États pour restreindre le droit à l’avortement.
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