Mélanie Domergue documentaire

Avec le documentaire “The Mask You Live In”, sois un homme et tais-toi

La société impose aux femmes normes sociales et discours décrédibilisant. Les hommes n’en sont pas à l’abri. Le mâle dominant doit toujours être fort, irrésistible et quasi invincible. En 2015, la réalisatrice américaine Jennifer Siebel Newsom a dévoilé ce qui se cache sous le masque.

Disponible sur la plateforme Netflix, le documentaire est également accessible en intégralité et en version originale sur YouTube.

« Pas de pleurs. Pleure pas. Arrête d’être émotif. Tiens-toi. Sois pas crétin. Fais pas la fiotte. Fais-toi respecter. Sois cool et un peu connard. Ne l’ouvre pas. Personne n’aime les cafteurs. Quel pédé ! Petite garce. Ta femme ne doit pas te diriger. Les potes avant les putes ! Va baiser ! Sois un homme. Aie des couilles ! Hé, sois viril ! Aie des couilles, quoi ! » Les injonctions sont rapides. Le ton plus dur de seconde en seconde. À l’écran, les visages défilent. Le documentaire montre des portraits d’hommes, d’adolescents et de petits garçons frappés par ce qui ne les a pas forgés, mais détruits.

Un documentaire pour casser les stéréotypes

The Mask You Live In décrypte les stéréotypes attribués et enseignés aux garçons américains dès leur plus jeune âge au sein de la culture occidentale. Le documentaire montre, par des témoignages, comment ces clichés ont de lourdes conséquences sur leur développement personnel.

« Souvent à la télé, dans les films et dans d’autres formes de culture pop, on voit un type fort et taciturne, qui maîtrise tout et n’est pas émotif. À côté, on a le super-héros, le héros, qui interagissent avec de grands niveaux de violence pour garder la maîtrise […]. On a aussi l’archétype de la racaille, principalement des hommes de couleur, cantonnés à des rôles plus violents. Et puis, on a l’homme-enfant, ou le mook, un adolescent perpétuel. Son corps n’est pas très musclé, mais il manifeste sa masculinité via d’autres manières, en dégradant les femmes, en participant à des activités très risquées. »

Caroline Heldman, politologue et éducatrice

Si les filles souffrent des stéréotypes sexistes ou des carcans de beauté imposés, les garçons, eux, se retrouvent condamnés à endosser le rôle de la brute fermée et sans émotion. Habitués à ne pas parler de ce qui les tracasse.

Frustration, colère et tristesse se transforment alors en violence contre eux-mêmes s’ils réalisent qu’ils ne rentrent pas dans ces cases préformatées pour eux. De là naissent des comportements autodestructeurs : abus de drogue ou d’alcool, tentatives de suicide, désintérêt volontaire pour le travail ou les études. Autant de SOS qu’il faut savoir repérer.

Quelques données fournies au cours du documentaire. Infographie M.D.

The Mask You Live In tire la sonnette d’alarme. Et pour cause. En grandissant, tous ces sentiments enfouis, et une surexposition à la violence (dans les médias, films, jeux vidéo), peuvent se transformer en quête de dominance, en décharge de colère et de rage contre les autres. Et plus particulièrement contre les femmes.

« En tant que jeune homme, on nous dit qu’on doit toujours garnir son tableau de chasse, se montrer agressif. Il doit se dire : « Qui c’est, ça ? J’aimerais me la taper » Pensez-y. Taper : violence. Ça : objet. On leur apprend, consciemment et inconsciemment, à dessein ou pas, à ne pas voir d’humanité chez les filles. »

Tony Porter, éducateur et activiste

C’est justement contre ce phénomène que la réalisatrice Jennifer Siebel Newsom entend se placer. Elle a puisé son inspiration lors de sa grossesse, lorsqu’elle attendait un petit garçon. Dans une interview accordée au magazine américain Mother Jones en 2015, elle explique : « C’était important pour moi d’accueillir et de chérir un fils qui pourrait être fidèle à lui-même, et qui n’aurait pas toujours l’impression de devoir prouver sa masculinité. Il y a tellement de solitude, de douleur et de souffrance quand on fait semblant d’être quelqu’un d’autre. »

Photo de couverture : Affiche du documentaire, DR
Texte et infographie : Mélanie DOMERGUE

L’AVIS DE LA RÉDACTION
C’est un documentaire bien ficelé. Sa grande force réside en effet dans la superposition des témoignages, de l’analyse des éducateurs, avocats, coachs, psychologues et des scènes de films, séries et journaux télévisés. Les différents extraits proposés appuient des propos, mais nous interrogent ensuite sur notre propre conception des codes sociaux et leurs représentations.
The Mask You Live In n’excuse pas les actes de violence commis par certains hommes. Cependant, il nous aide à comprendre d’où peut parfois venir un malaise, transformé avec le poids des années en actes désespérés. Le documentaire Netflix nous permet d’avoir un regard critique sur notre société et les stéréotypes dont nous sommes tous plus ou moins victimes.

The Mask You Live In intervient à une époque où tout n’est pas perdu (néanmoins, il serait bon de se dépêcher). Nous pouvons encore temps de changer nos mentalités, pour que masculinité et féminité cessent d’être accolés à un adjectif vu (trop) souvent sur les réseaux sociaux : toxique.

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