Noël approche. Nous avons déniché deux idées de cadeaux originaux, avec les deux jeux de société « Bad Bitches Only » et « Who’s She ? ». Ils reprennent les codes traditionnels du jeu tout en tordant le cou aux clichés sexistes ou peu inclusifs. Leur ambition : valoriser les femmes et les minorités. Rencontre avec leurs créatrices.
Bitch. On entend ce mot de partout : à la télévision, dans des chansons, dans des séries ou des films, dans la rue… Et pourtant, ce terme d’abord insultant et dégradant pour les femmes tend à se transformer. Elles se le sont réapproprié pour en faire leur force. Une « bad bitch » est désormais une femme indépendante, confiante, travaillant dur pour atteindre ses objectifs. Autant de qualités partagées par celles qui ont marqué leur époque. Voilà pourquoi Inès Slim a retenu cette appellation pour créer son propre jeu de société, « Bad Bitches Only ».

Crédit photos : “Bad Bitches Only”.
« Bad Bitches Only » a débuté par une campagne Ulule, qui lui a permis de récolter près de 13 000 euros sur les 10 000 euros espérés. Le but du jeu est de faire deviner un maximum de personnalités en un temps limité. Une partie se divise en trois manches. Il faut d’abord décrire les personnages en 45 secondes. Lors de la deuxième manche, les joueurs ne doivent dire qu’un seul mot pour faire deviner la personnalité en 30 secondes. Quand arrive la troisième manche, il suffit de mimer ou de dessiner pour permettre aux autres de donner la bonne réponse, le tout en 30 secondes ou une minute.
Interdiction de présenter son personnage en commerçant par « C’est la femme de… » Sinon, le joueur doit passer son tour.
Le jeu est accessible à partir de 15 ans et se compose de 250 cartes : 245 comportent les noms de personnalités, leur profession, leur date de vie et de mort. Cinq autres sont vierges. La boîte du jeu renferme également le Bad Dico : il reprend les règles du jeu et contient de courtes biographies des personnalités présentées.
« Tout le monde se souvient du nom du premier homme à marcher sur la lune, mais moins de la première femme à être allée dans l’espace »
Inès Slim, créatrice du jeu “Bad Bitches Only”
Aiguiser la curiosité d’autrui, permettre de mémoriser des actions menées par des minorités et ouvrir un débat dans les familles. C’est la motivation d’Inès Slim en créant Gender Games. « Bad Bitches Only » laisse toute leur place à des figures connues ou moins connues, mais « il y a un maximum de représentations », détaille Inès Slim.
« Bad Bitches Only » est accessible depuis le début de l’année et coûte 19 euros. Une première extension a également été lancée il y a peu : « Feminist Warrior » (8 euros) : 80 cartes supplémentaires pour mettre en lumière ceux qui, d’ordinaire, ne le sont pas. « Une prochaine extension va sortir à la fin de l’année ! » informe Inès Slim. « Le public a choisi le thème : elle s’appellera Queer Icons LGBT ».

Une version tournée davantage vers les enfants n’est pas exclue. « Une version Disney, pourquoi pas. On verra ! Il y a des personnages qui sont plutôt badass ! » Éveiller les plus jeunes à cette cause est essentiel : ce sont les futures générations qui pourront rendre plus visibles encore ces personnalités qui méritent de l’être.
« A-t-elle remporté un prix Nobel ? » remplace
« A-t-elle les yeux marrons ? »
Tirez votre carte « égalité » et commencez votre partie sans passer par les cases « sexisme » ou « discrimination ». Voilà une version du « Monopoly » qui pourrait exister. Zuzia Kozerska-Girard ne s’est pourtant pas inspirée de ce jeu pour créer le sien. « Who’s She ? » puise son origine dans le non moins célèbre « Qui est-ce ? ». Un jeu simple, où il faut questionner son adversaire sur le physique d’un personnage pour deviner la carte qu’il a piochée.

Crédit photos : “Who’s She ?”
Cette fois, « Who’s She ? » (ou « Qui est-elle ? »), s’intéresse à des figures féminines extraordinaires. Un hommage rendu à des femmes de profession, de nationalité, d’âge et d’époque différents.
Elles ont pourtant un point commun : chacune a marqué l’histoire à sa manière. Et n’espérez pas les réduire à leur apparence pour simplifier le jeu. Interdiction de poser des questions sur le physique. Seules celles portant sur leurs actions sont acceptées. « A-t-elle remporté un prix Nobel ? » remplace « A-t-elle les yeux marrons ? »
Ce n’est pas l’unique différence. Le plateau en plastique, bleu ou rouge, a laissé place à un plateau en bois. Les 28 portraits des personnages à faire deviner ont été réalisés à l’aquarelle par l’artiste Daria Golab, et imprimés sur bois. D’ailleurs, à chaque femme du jeu correspond également une carte où figure une courte biographie. Elle permet de répondre « oui » ou « non » aux questions posées. Un petit jeu « pierre, papier, ciseaux » détermine qui commence. Chacun n’a droit qu’à une seule question par tour.

Le jeu est commercialisé depuis février 2019. Il est disponible sur le site Playeress, pour un coût de 75 euros. Une version cartonnée est également proposée à 12 euros. Il s’adresse aux enfants à partir de six ans et est adapté en plusieurs langues : français (la boîte est en anglais), anglais, espagnol, italien, polonais et allemand. Aujourd’hui, « Who’s She ? » a rejoint The Moon Project, et est ainsi entré dans la famille des nouveaux jeux de société, défendant la place de la femme et l’égalité entre les genres.
Derrière la création de ce jeu se cache aussi la préoccupation d’une maman. Remontons quelques années en arrière. Zuzia Kozerska-Girard est enceinte d’une petite fille, et elle désespère en constatant que les jeux genrés ont la côte dans les grandes surfaces. Ce n’est pas le message qu’elle souhaite faire passer à son enfant. Qu’importe, si le jeu de ses rêves n’existe pas, elle va l’inventer.

L’idée d’une version revisitée du « Qui est-ce ? » la séduit. Le système du jeu est simple et amusant. Elle s’entoure alors d’une amie et de son compagnon pour la concrétiser. Les prototypes en bois sont d’abord conçus dans un garage. En décembre 2018, elle lance un Kickstarter pour permettre à son projet de décoller. C’est la révélation. Si elle ne s’attendait qu’à récolter quelques dizaines de milliers d’euros, les internautes l’encouragent à hauteur de 100 000 euros. Adieu, le garage. Aujourd’hui, le jeu est assemblé dans un atelier et s’exporte dans plusieurs pays.
« Ça a été très frustrant de choisir seulement 28 personnalités », explique l’équipe à l’origine de « Who’s She ? ». Une sélection difficile, à base de réflexions pendant de longues heures et de nombreuses recherches. « On avait déjà nos idées, nos préférées, et pendant la campagne Kickstarter, les participants nous ont aussi fait des suggestions. Pour se décider, on a recouvert un tableau blanc de post-it, en fonction des pays et des thématiques », se souvient-on. De prochaines extensions du jeu pourraient bientôt voir le jour, afin de mettre en valeur d’autres icônes.
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Photo de couverture : “Who’s She ?”
Texte : Mélanie DOMERGUE
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