Les violences sexistes représentent une facette du harcèlement scolaire, comme le démontre cette étude menée en 2019 par l’Observatoire européen de la Violence à l’École. Aux moqueries répétées se joignent parfois des commentaires déplacés, si l’élève se détache du rôle attribué socialement à son sexe. Sexisme et préjugés atteignent les filles dès le début de l’adolescence. Les garçons sont eux aussi tantôt agresseurs, tantôt agressés, si pas entrés dans les « normes » machistes, virilistes. En grandissant, ces remarques et moqueries peuvent avoir des conséquences sur la vie d’adulte.
Le harcèlement scolaire ne date pas d’hier. Bérangère Berte, 41 ans, se souvient encore de cet épisode douloureux : « J’ai été harcelée pendant 4 ans, de la sixième à la troisième, dans un collège qui avait une bonne réputation. C’était en grande partie du harcèlement sexuel : attouchements, insultes à caractère porno, menaces de viol. Il y a aussi eu d’autres insultes, des affaires volées, des rumeurs. À l’époque, il n’y avait pas internet, pas de site gouvernemental ou de numéro comme le 3020. »
Un élève harcelé peut rapidement perdre confiance en soi, faire de l’anxiété, se refermer sur lui-même, souffrir de troubles de la concentration, du sommeil, de l’appétit, ou avoir des pensées suicidaires.
Oppressé par les attaques subies, il ne peut pas prendre assez de recul pour réaliser qu’il n’est pas le cœur du problème, et tend à croire les propos lancés à son encontre.
Quitte à oublier qu’on peut lui témoigner gentillesse et sympathie, comme le rapporte Bérengère : « Je me souviens qu’un jour, à la cantine, j’ai fait tomber la veste d’un garçon de la table d’à côté sans le faire exprès. J’ai été stupéfaite par sa réaction : il l’a ramassée avec un sourire indulgent et s’est remis à manger comme si de rien n’était. Je m’attendais à une engueulade, et j’avais oublié qu’on pouvait réagir comme ça ».
De l’oppression au sentiment de culpabilité
L’adolescence est la période où l’on a du mal à déterminer qui l’on est. On se cherche, mais ce processus se fait plus difficile pour l’élève harcelé. « Au lycée, et même adulte, j’ai beaucoup hésité sur mon orientation sexuelle. À une époque, j’étais terrorisée à l’idée d’en parler à quelqu’un. Je pensais qu’on me rejetterait. J’aurais peut-être eu moins peur si je n’avais pas entendu des garçons être traités de “pédés”. »
L’effet de groupe alimente le harcèlement et le rend dangereux. D’autant plus quand il se fait aussi rite de passage, d’une classe à l’autre. « Tous les ans, les cinquièmes harcelaient les sixièmes. Quand on passait en cinquième, on se vengeait de ce qu’on avait subi en harcelant les sixièmes. », déplore-t-elle. « J’ai beaucoup culpabilisé, je pensais que c’était ma faute si on me harcelait. »

À la peur des autres s’ajoute aussi celle de se confier. « Je n’en ai jamais parlé à mes parents ni aux profs, parce que je pensais que ce serait “cafter” et qu’on me harcèlerait encore plus. À l’époque, on croyait que j’avais une “crise d’adolescence”. » Aujourd’hui, le harcèlement scolaire est reconnu comme un fléau, et la parole est encouragée.
Des plateformes d’écoute* existent. Le Gouvernement met en place des campagnes de sensibilisation et invite les enseignants à sensibiliser leurs classes à ce sujet. Cette année par exemple, l’édition 2020 du concours national “Non au harcèlement” a rassemblé 1 500 projets, portés par 45 968 élèves et 2 587 personnels enseignants.
Il existe aussi de nombreuses associations d’aide, comme Les Outsiders, à Toulouse : d’anciens élèves harcelés prennent sous leur aile ceux qui le souhaitent.
« Aujourd’hui, je suis reconnue travailleuse handicapée (phobie sociale) par la MDPH [Maison départementale des personnes handicapées, N.D.L.R.] J’ai un emploi, un logement, et je me suis inscrite au karaté pour me lancer un défi. Ma vie n’est pas parfaite, je l’aime comme elle est, mais je ne souhaite à personne ce qui m’est arrivé. »
Témoignage de Bérengère, 41 ans, qui a subi du harcèlement scolaire au collège.
Le harcèlement scolaire a poursuivi Bérengère jusqu’au lycée. Elle fait une dépression et une tentative de suicide en classe de terminale, mais elle réussit malgré tout à obtenir son bac du deuxième coup, et continue ses études. Son entrée sur le marché du travail n’est pas de tout repos : « Les entretiens d’embauche me mettaient dans tous mes états (…) J’ai eu énormément de mal à me trouver un travail malgré mes diplômes. », confie-t-elle.
Cependant, elle a su transformer son vécu en une véritable force. « Aujourd’hui, je suis reconnue travailleuse handicapée (phobie sociale) par la MDPH [Maison départementale des personnes handicapées, N.D.L.R.] J’ai un emploi, un logement, et je me suis inscrite au karaté pour me lancer un défi. Ma vie n’est pas parfaite, je l’aime comme elle est, mais je ne souhaite à personne ce qui m’est arrivé. »
Le combat de toute une vie ?
Bérengère agit aujourd’hui encore contre le harcèlement scolaire, en tenant un blog à ce sujet, et en étant référente départementale pour une association. Elle est également intervenue dans un lycée pour faire de la prévention, et a participé à des journées de sensibilisation, comme La marche de la Rose Bleue, contre les violences scolaires, en 2016.

Le témoignage des élèves harcelés est indispensable, qu’il soit d’actualité ou qu’il date de plusieurs années. Parmi notre rédaction, Mélanie Domergue a elle-même été victime de harcèlement scolaire, durant son année de quatrième. Elle a transposé une partie de son histoire dans le roman Isolée, paru le 11 septembre 2019 aux éditions Amalthée. Le lecteur fait alors connaissance avec le personnage d’Emma, une élève transférée dans un autre collège au beau milieu de l’année scolaire.
Elle est bien vite repérée par le groupe des collégiens dits “populaires”, et tombe dans leur piège sans s’en rendre compte : elle pense être leur amie, et contre toute attente, elle apprécie l’attention gagnée grâce à ses nouvelles fréquentations. Quand un événement grave survient, sa parole est invalidée par les autres et son tout récent statut. Commence alors le harcèlement de la nouvelle « balance » du collège.
Une “peur de déranger” née du harcèlement
Ce roman mêle une part de réel et de fiction. « Je n’ai pas publié ce livre pour me faire plaindre, mais pour dire que libérer la parole est la chose la plus importante à faire. C’est valable quand on en est aussi témoin, pour ne pas être complice. À 13 ou 14 ans, on a l’impression que c’est la fin du monde si nos amis arrêtent de nous parler, mais ce n’est pas le cas. Il faut parler autour de soi : à des amis, à des adultes, au personnel de son établissement. »

Elle relève un autre point important : « Mon expérience m’a fait comprendre, sur le tard, certes, qu’il ne fallait pas s’arrêter aux moqueries des autres. Elles ne nous définissent pas, et encore moins quand on est si jeunes. »
Des remarques qui peuvent néanmoins laisser des marques : « J’ai eu du mal à faire confiance aux autres après cet épisode de harcèlement. Je me suis rendu compte que je me suis parfois entourée de personnes qui ne faisaient pas forcément attention à moi. Je crois qu’inconsciemment, je ne pensais pas le mériter. Aujourd’hui encore, je fais un travail sur moi-même pour m’ouvrir davantage aux autres, regagner confiance en moi et oublier cette timidité, cette “peur de déranger” ou dire un mot de trop. Une crainte qui est née de cette année de harcèlement. »
Photo de couverture et photos : DR et B.D.
Texte : Mélanie DOMERGUE
Infos : * Il existe deux plateformes d’écoute en France. En France, appelez le 30 20 en cas de harcèlement (service et appels gratuits, ouvert du lundi au vendredi de 9 à 18 heures, sauf les jours fériés). Contactez Net Écoute dans le cadre d’un cyberharcèlement au 0 800 200 000 (numéro vert national, gratuit, anonyme, confidentiel et ouvert du lundi au vendredi de 9 à 19 heures).
Le roman Isolée, publié aux éditions Amalthée (13,90 €) est disponible sur Amazon, Cultura, la Fnac et Decitre.
Bonjour, je m’appelle Vincent Rocher, j’ai 34 ans, et j’ai vécu le harcèlement scolaire, une grande partie de ma scolarité et en dehors de l’école. Sachant que je me sentais mal du décè de mon père, il avait 33 ans j’avais 7 ans. J’étais un enfant calme et sage et mal dans ma peau, dans ma vie. Et aussi en étant adulte, aujourd’hui je travaille en moi, depuis quelques années pour m’accepter, m’accueillir, m’aimer tel que je suis.
Dans mon cas, il se poursuit encore, j’ai des voisins, amis avec ceux qui m’ont harcelés dans l’enfance, ces voisins me pourrissent la vie, sont violents et agressifs, aujourd’hui, leurs amis, ceux qui m’ont harcelés, changent de trottoir lorsqu’ils me voient, me traitent encore comme une paria.
Ceux qui poussent au suicide leurs victimes, ne regrettent rien, ce sont des menteurs et des hypocrites, y croire est de la naïveté, à l’âge adulte, dans certains cas, dont le miens, ils continuent de nous pousser à bout et donc, au suicide, tant qu’on ne se suicidera pas, ça ne changera rien, ceux qui disent regretter d’avoir poussé leurs camarades au suicide ne sont pas sincères, c’est comme les fausses excuses forcés quand la personne est prise sur le fait pour des propos racistes par exemple, le harcèlement scolaire est un racisme anti moches, car les cibles sont souvent marginalisés et discriminés à cause du physique.
Ils ne regrettent pas leurs actes, c’est de la pure comédie, les adultes, eux mêmes harcèlent les collègues qu’ils n’aiment pas, que dire des enfants ?