Dans l’imaginaire collectif, espionne rime souvent avec demi-mondaine. Comme si, les confidences sur l’oreiller étaient les seules que les femmes soient capables de collecter. Une auteure a voulu briser ce cliché : Charlotte Aeberhardt. Partie interviewer six ex-espionnes de la Guerre Froide, elle dresse le portrait de ces dernières avec l’illustratrice Aurélie Pollet, dans la mini-série diffusée sur Arte : “Les espionnes racontent”. Série primée au Festival de Anima Cordoba en 2021 dans la catégorie “Meilleure série d’animation”, les histoires de ces femmes sont de véritables œuvres fictions.

6 portraits de femmes espionnes pendant la Guerre Froide
Cinq ans d’enquête ont été nécessaires à Chloé Aeberhardt pour retrouver d’anciennes agents secrets de Paris, Berlin, Washington, Moscou et Tel-Aviv, et gagner leur confiance. Comme Charlotte Soulary et son association Le Guide de voyage mettent à l’honneur les femmes oubliées des grandes villes, Charlotte Aeberhardt et Auréie Pollet rendent hommage à celles que les services secrets décident d’oublier.
Geneviève, la Française : espionne fourmi
Geneviève se retrouve à la DST (Direction de la Surveillance du Territoire) un peu par hasard. C’est son mari, déjà en poste, qui la recommande. Elle rejoint la très prisée division antisoviétique. Son travail : tenir le fichier des attachés commerciaux soviétiques et détecter les agents sous couverture. Un travail de fourmi.
L’espionne Geneviève raconte : La liste russe de la DST (épisode 1 : Les espionnes racontent)
Jonna, l’Américaine : Mrs. “Q”
Jonna est espionne à la CIA, où elle apprend aux officiers de terrain à se servir de leurs gadgets. En 1989, elle doit exfiltrer un des meilleurs agents américains d’URSS. Avec son mari, Tony Mendes, dont Ben Affleck joue le rôle dans le film Argo, ils partent préparer l’opération.
L’espionne Jonna raconte : Hollywood à la rescousse de la CIA (épisode 2 : Les espionnes racontent)
Ludmila, la Russe : espionne par amour
À Moscou, Charlotte a une entrevue avec Ludmila. Elle lui raconte sa rencontre avec son mari Vladir, lors d’une fête. Peu de temps avant leur mariage, ce dernier lui confie qu’il est un espion du KGB. Il ajoute que s’ils veulent rester ensemble, Ludmila doit intégrer les services secrets russes. Elle accepte. Ils partent en mission à Buenos Aires, sous une fausse identité.
L’espionne Ludmila raconte : Dans la peau d’une autre pour le KGB (épisode 3 : Les espionnes racontent)
Yola, l’Israélienne : espionne patriote
Yola a travaillé pour le Mossad, le service extérieur israélien. En 1981, Yola est hôtesse de l’air. Elle est démarchée par le Mossad pour une mission où ses talents de polyglottes et de plongée sont indispensables. Elle part alors en Ethiopie, pour exfiltrer des juifs éthiopiens à l’époque victimes de persécutions.
L’espionne Yola raconte : L’hôtel du Mossad (épisode 4 : Les espionnes racontent)
Martha, la Zonienne : espionne confidente
Martha a fait carrière à la DIA, le service de renseignement américain. À la fin des années 70, elle est repérée par la DIA et formée comme officier traitant des espions chargés de recruter des informateurs. Elle participe à des missions en Amérique latine, où les services font tout pour déstabiliser les régimes socialistes.
L’espionne Maria raconte : 14 jours pour débusquer Noriega (épisode 5 : Les espionnes racontent)
Gabriele, l’Allemande : espionne féministe
En 1968, l’Allemande Gabriele trouve que son parti, la CDU, ne se soucie pas assez de la condition de la femme en Allemagne de l’Ouest. Partie en Allemagne de l’Est dans le cadre de sa thèse, une rencontre fait basculer son destin. Elle devient une recrue de la Stasi, les services secrets de la RDA. Pendant 17 ans, elle sera l’une des meilleures taupes des services secrets est-allemand en Allemagne de l’Ouest.
L’espionne Gabriele raconte : La jeune fille et le maître espion de la Stasi (épisode 6 : Les espionnes racontent)
Le machisme : un atout indéniable pour la femme espionne
S’il y a bien une profession où paraître invisible et inoffensive est un avantage de taille, c’est l’espionnage. Dans ce métier, les femmes, sous-représentées, sont des indics de choix quand il s’agit d’être l’oreille attentive. Peut-être parce qu’elles ont appris depuis des millénaires l’art de la manipulation pour survivre et qu’elles savent créer un lien de proximité avec celles et ceux dont elles tirent des informations, qu’elles excellent dans leur profession. Leur genre est un atout essentiel à la réussite de leurs missions. Mais à la différence des figures de Joséphine Baker ou de Mata Hari (qui d’ailleurs, n’était pas talentueuse dans ce domaine pour trois sous – voir Secret d’Histoire : “Mata Hari : l’espionne mise à nu“), c’est leur discrétion, leur soif de justice et leur travail sur le terrain, qui font d’elles de véritables héroïnes.
Texte : Marion DUVERNOY
Infos :
- L’essai de Charlotte Aeberhardt – Les Espionnes racontent, Robert Laffont, 2017 (poche 7,50€)
- Le livre illustré de Charlotte Aeberhardt par Aurélie Pollet – Les Espionnes racontent, Steinkis, 2021 (roman graphique 20€)


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