Depuis maintenant plus de cinquante ans, la Marche des Fiertés (la “Pride”), une marche à la fois festive et militante pour les droits LGBTQIA+, a lieu au mois de juin. Surnommé « le Mois de la Fierté », le mois de juin est donc devenu un mois de visibilité queer. Il donne lieu à nombres d’événements culturels à buts inclusifs ou éducationnels, tels que des expositions et des concerts, par exemple. Mais quelles sont ses origines ?

Célébration de la “Pride” à Montevideo , en Uruguay, en 2011. Crédit photo : Agence France-Presse.

Inspiré par les mouvements Black Power et anti-guerre, par les manifestations pour les droits civils, pour les droits des femmes et pour  la liberté sexuelle, l’activisme homosexuel s’agrandit au milieu des années 1960. En effet, il inclut alors les questions de racisme, de genre et de classe parmi ses intentions, défendant notamment des idéologies transgenres et féministes-lesbiennes.

Mais les événements du 27 au 29 juin 1969 représentent le véritable tournant pour le mouvement LGBTQ+.

Les émeutes de Stonewall

Le Stonewall Inn, devenu un bar gay en 1967, accueillait principalement des hommes homosexuels, des drag queens, des adolescents sans abris ainsi que des hommes transgenres. Souvent persécutés, ils s’y retrouvaient pour danser, boire et sociabiliser. Le bar était également le siège d’activités criminelles (comme la plupart des bars à New York) et subissait régulièrement des raids policiers.

Dans la nuit du 27 au 28 juin 1969, alors que la communauté LGBTQ+ pleurait le décès de Judy Garland, icône homosexuelle, la police entreprend une rafle. Les policiers soupçonnent la distribution d’alcool dans le bar, dont la consommation est interdite à la communauté homosexuelle. Ce soir là, plus de 200 personnes occupent le Stonewall Inn, et la police rencontre plus de résistance que prévu.

Des contrôles d’identité sont contestés, et les arrestations, violentes. Des passants témoignent avoir assisté à de la violence physique, verbale et sexuelle de la part des policiers. Une foule se masse devant le bar, et c’est bientôt une insurrection qui prend de l’ampleur. Des bouteilles sont jetées, des altercations, des poursuites, et des jets de briques s’ensuivent. Cette émeute se conclut autour de 4 heures du matin. Elle comptera treize arrestations, plusieurs hospitalisations civiles, et quatre blessés parmi les policiers.

Cette photographie, qui fera la une du New York Daily News le lendemain matin, est l’une des seules à avoir été prises lors des émeutes du 28 juin 1969. Crédit photo : Joseph Ambrosini.

Le lendemain, la couverture médiatique que reçoit l’événement est sans précédent. Les curieux se rassemblent autour du Stonewall Inn. Les murs du bar sont couverts de graffitis et de slogans. Le soir même, un second raid policier a lieu, et la même scène se reproduit. La foule, composée cette fois de plus d’un millier de manifestants, proclame « Gay Power ».

La première parade

Encore aujourd’hui, beaucoup d’activistes LGBTQIA+ considèrent les émeutes de Stonewall comme un événement pionnier de la libération queer. Le bar a d’ailleurs obtenu le statut de « site historique » en l’an 2000.

Un mois après la première nuit des manifestations, le « Gay Liberation Front » se crée. Il s’agit d’une des premières organisations politiques homosexuelles aux États-Unis. Bien d’autres suivront dans le sillage des émeutes. La culture LGBTQ+, jusque là honteuse et réduite au silence, prend de l’ampleur au sein de l’espace public.

Le 27 et 28 juin 1970, pour commémorer l’anniversaire des émeutes de Stonewall, de grandes marches sont organisées à Chicago, New York et Los Angeles. La Marche des Fiertés à New York City attirera près de 5000 participants, et autant de spectateurs. Selon Morris Kight, organisateur de la “Pride” à Los Angeles, l’événement représentait une célébration non-violente de l’amour.

Foster Gunnison et Craig Rodwell, organisateurs de la première « Pride » à New York City le 28 juin 1970, participent à la parade. Crédit photo : Fred W. McDarrah.

« La première Marche était une expérience unique », raconte un participant. « J’y ai vu que mon identité en tant qu’homme gay était digne d’une formulation politique, digne d’une marche de célébration le long d’une avenue en Amérique. »

Bien qu’à caractère politique, la Marche des Fiertés se distingue d’autres manifestations par son aspect célébratoire. Les participants, munis de drapeaux arc-en-ciel, et de panneaux qui lisent « Gay is Good », entonnent des chants festifs. La Pride, qui depuis 1970 est devenu un événement annuel, est alors perçu comme un festival qui transforme la rue en un site de résistance à l’hétéronormativité. Les intentions de la Pride n’ont pas beaucoup changé depuis 1970. Elle vise à promouvoir la visibilité et à valider l’expérience et l’identité des membres de la communauté LGBTQ+.

Un combat intersectionnel

Si la Marche des Fiertés est souvent surnommée « la Gay Pride », il est important de se souvenir qu’elle ne commémore pas que les droits homosexuels. Elle représente l’intersection de combats anti-racistes, féministes et militants transgenres.

Une activiste lesbienne, présente lors des émeutes de Stonewall, avait d’ailleurs témoigné que la majorité de la clientèle du bar était Africaine-américaine et Latino-américaine. Victimes de persécutions supplémentaires, ces derniers étaient les plus souvent ciblés par des descentes de police.

De plus, l’Histoire a souvent tendance à effacer l’influence des personnes transgenres au sein du mouvement LGBTQ+. On pensera notamment à Sylvia Rivera, drag queen et activiste transgenre d’origine Porto Ricaine, à la tête des émeutes de Stonewall. Cette dernière, accompagnée de Marsha P. Johnson, drag queen Afro-américaine de genre non-conforme, co-fonde en 1970 le groupe « Street Transvestite Action Revolutionaries ». Il s’agit d’une organisation d’entraide aux jeunes gays, transgenre et drag queens sans-abri. Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera sont crédité·es d’être des acteur·ices de premier plan dans l’activisme transgenre.

Panneaux lisant « Souvenez-vous des prostitués de Stonewall » à la Marche de la Fierté de New York City en 1994. Crédit photo : Scott McPartland.

Les émeutes de Stonewall représentent donc un symbole de résistance contre la discrimination politique et sociale, et témoignent de la « Fierté » de l’identité et de l’orientation sexuelle de chacun. Les Marches des Fiertés, ouvertes à tous, sont également l’occasion de militer pour les droits LGBTQ+, féministes, anti-racistes, et de soutenir la protection des travailleurs du sexe.

Photos : Agence France-Presse, Joseph Ambrosini, Fred W. McDarrah et Scott McPartland

Texte : Pauline GAUVRIT

POUR SUIVRE UN ENTRETIEN DE DEUX PARTICIPANTS AUX ÉMEUTES DE STONEWALL AVEC FRANCE CULTURE:

Une réponse à “La « Pride » dans l’histoire : manifestations et célébration de la culture LGBTQIA+”

  1. […] discriminatoires et dangereux envers les femmes, les personnes en situation de handicap, mais également envers la communauté LGBTQIA+ », indique encore le […]

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