Rencontre avec Léa Cuvillier, créatrice de la marque de prêt-à-porter Rise up

Pour cette interview, nous vous proposons de découvrir le parcours de Léa Cuvillier, une jeune entrepreneuse strasbourgeoise qui a crée en 2019 sa marque de vêtements Rise up.

Bonjour Léa, pouvez-vous vous présenter ?

Léa Cuvillier : Je m’appelle Léa Cuvillier, j’ai 27 ans. J’ai créé Rise up en 2019. Je voulais créer quelque chose qui puisse regrouper toutes mes compétences car à l’origine je faisais de la photo, du web et du graphisme. Mon idée était de réunir toutes ces aptitudes pour en faire quelque chose qui donnerait plus de sens à ce que je faisais auparavant. De par mon histoire personnelle, je voulais me rendre utile pour la cause des femmes en créant quelque chose qui puisse rentrer dans la vie quotidienne des foyers. Les personnes n’ont pas le réflexe d’aller sur les sites des associations. Je m’en étais rendu compte car je ne connaissais personne dans mon entourage qui le faisait. J’avais à cœur d’amener le sujet des femmes violentées dans la vie de tous les jours grâce à un t-shirt ou une décoration de la marque Rise up. Pour que les personnes aient la curiosité de se renseigner sur le sujet en allant découvrir les associations qui existent en France car les violences conjugales est un sujet qui concerne tout le monde. 

Léa Cuvillier, créatrice de la Marque Rise up

Quel a été votre parcours professionnel ?

L.C. : J’ai fait une école de photographie, ensuite je me suis orientée vers des études de graphisme. J’ai fait plein de choses, j’ai été photographe pour des centres de loisirs. J’ai aussi été assistante photo pour des mariages et des shootings beauté, et j’ai également été photographe pour la Marque Chaussea. Dans mon ancien travail, j’avais un poste au Luxembourg en tant que graphiste, mais je l’ai quitté du jour au lendemain pour créer Rise up.

Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter votre emploi pour tenter l’entreprenariat ?

L.C. : Je ne comprenais plus pourquoi je me levais le matin. Ce que je faisais n’avait plus de sens. Tous ces éléments ont fait que ce n’était plus possible pour moi de gérer cette situation, car j’avais besoin de quelque chose de plus simple. J’ai quitté mon travail sans avoir aucune idée de ce que j’allais bien pouvoir faire après. A ce moment-là, j’avais un CDI et j’avais 21 ans. C’était une phase où j’étais trop jeune, j’avais peu d’expérience et en même temps, je savais que ce travail n’était plus pour moi. Donc, j’ai créé Rise up à 21 ans car j’avais besoin de sens pour aider cette cause. 

Pourquoi avoir choisi un nom anglais Rise up pour représenter votre Marque ?

L.C. : On me pose souvent cette question. Il faut savoir que tous mes produits sont en anglais. La première vente que j’ai réalisée était au Nebraska, aux États-Unis. L’intérêt était que ça puisse parler au plus grand nombre, je voulais des messages simples et pas trop compliqués à comprendre pour les personnes qui ne parlent pas anglais. Pour moi, c’était évident que j’allais créer des produits en anglais. Ensuite, j’ai eu d’autres commandes en Italie, aux États-Unis, en Suisse et en Allemagne. Ce qui m’a permis d’élargir complètement la Marque Rise up

Comment définiriez-vous votre Marque Rise up en quelques mots ?

L.C. : Rise up est une marque féministe qui reverse 1 euro par produit vendu à l’association SOS femmes solidarité. C’est une marque unisexe qui s’adresse aux hommes et aux femmes. 

Pouvez-vous nous expliquer votre choix d’inscrire sur chacun de vos produits des slogans féministes tels que : Powerful feminist, Toxic masculinity ou encore Badass ? Quel était l’objectif derrière cette démarche ?

L.C. : Je voulais intégrer des messages impactants sur les t-shirts pour qu’ils puissent être portés facilement aussi bien par des hommes que par des femmes. Je voulais faire quelque chose de percutant, sans forcément faire de lien direct avec les femmes victimes de violences. Je voulais des messages powerful, qui rassemblent tout le monde. D’où le choix de nommer la marque Rise up, afin que chacun puisse s’élever. 

Pourquoi avez-vous choisi en particulier de créer une marque de vêtements pour défendre la cause des femmes ?

L.C. :  J’ai choisi de créer une marque de vêtements, car je voulais que cela puisse être accessible à tous. Le concept est que lorsque tu reçois un colis de la marque Rise up, tu as ton t-shirt et un flyer discrètement caché, de l’association SOS Femmes Solidarité. Avec le flyer, le but est vraiment d’aider les femmes qui en ont besoin. J’ai certaines personnes qui m’ont contacté en disant qu’elles avaient offert mes t-shirts à leurs amies pour leurs anniversaires, parce qu’elles soupçonnaient des actes de violences. Malheureusement dans cette situation, tu ne peux pas parler en frontal si tu ne t’y connais pas. C’est très délicat comme position, il y a toujours le conjoint qui rôde. L’intérêt du flyer est qu’il est discret car on peut le dissimuler à l’intérieur du t-shirt ou au fond du colis sous les vêtements. L’objectif est de pouvoir alerter ces femmes sans que le conjoint ne s’en aperçoive.

Pensez-vous que l’industrie de la mode est un bon moyen de communication pour lutter contre les violences faites aux femmes ?

L.C. : Oui, c’est un bon moyen de communication car les vêtements permettent de toucher une plus large audience. L’objectif avec Rise up est de proposer des produits à la fois accessibles et abordables financièrement.

Pouvez-vous nous parler de vos engagements environnementaux chez Rise up ?

L.C. : Les t-shirts sont en coton bio. Ils sont fabriqués par une marque de coton qui s’appelle Stanley/Stella. Le t-shirt n’est pas fabriqué en France, il est fabriqué au Bangladesh, mais il a toutes les certifications pour respecter le travail des employés qui sont payés à part égale. C’est l’une des marques qui respecte le plus le travail des employés qui sont payés à bon prix, en plus c’est bio. On a aussi une impression qui est faite localement à Strasbourg par une petite entreprise de jeunes entrepreneurs, comme moi. Nous avons lancé notre entreprise à la même période et compte tenu d’un bon feeling, nous avons continué la collaboration. Cela me tenait à cœur de faire appel à leurs services au moins pour l’impression des t-shirts car c’est le produit phare de Rise up. Je voulais qu’il y ait un respect de l’ensemble des produits sur le t-shirt, même l’encre est certifiée oeko-tex et PETA avec des matières 100 % véganes. Jusqu’au bout, je voulais quelque chose de sain. Je voyais souvent des marques qui faisaient des t-shirts pour des causes et qui les vendaient à 70 euros. Ce n’est pas mon intention, je préfère travailler en petites quantités, en flux tendu et pouvoir mettre un prix qui soit largement acceptable pour du coton bio et des matières éco-responsables. 

Pouvez-vous nous parler de l’évolution de votre Marque Rise up depuis sa création ?

L.C. : La première année a été non-stop, les choses se sont très vite enchaînées pour Rise up. J’avais été invitée à la foire européenne de Strasbourg, où j’avais présenté mes t-shirts. Au niveau de la presse, j’ai fait des interviews pour BFMTV et France 5, mais avec l’arrivée du Covid, tout cet engouement médiatique est retombé.  En ce qui concerne les produits Rise up, les retours étaient assez positifs, le seul retour négatif que j’avais reçu sur mes t-shirts, c’était à propos de la langue. Certaines clientes préféraient qu’ils soient en français, car forcément, tout le monde ne parle pas anglais. Mais dans l’ensemble, les retours étaient agréables, même les médias ont été réceptifs, face à l’urgence de parler de ce sujet.

Pouvez-vous nous parler d’une réalisation dont vous êtes particulièrement fière ? 

L.C. : L’affiche “Toxic masculinity ruins the party”, j’aime beaucoup celle-là. Je l’ai aussi faite en broderie sur un t-shirt. Ce n’est pas du tout l’un des produits qui c’est le mieux vendu, mais je l’adore parce que le message est génial. Je trouve aussi qu’il rend bien en broderie. Pour ce t-shirt, j’ai vraiment eu tout le processus de création où je suis allée sur les logiciels de retouche photo pour dessiner et choisir la typographie du modèle. Par exemple, le dessin avec le verre de champagne, je l’ai créé à partir d’un petit bout de papier que j’ai scanné et redessiné. Pour ce t-shirt brodé, je suis assez fière du résultat. Ma belle-mère l’a dans sa cuisine, je trouve ça génial ! 

Vous proposez également une gamme masculine sur votre boutique en ligne, pourquoi est-ce important pour vous de rallier les hommes à la cause des femmes ? 

L.C. : En fait, le plus gros des problèmes est que ce n’est pas uniquement un problème de femmes, mais un problème qui englobe les deux sexes. C’est avec eux qu’on va arriver à éradiquer ce fléau, et non sans eux malheureusement. Il faut que tout le monde s’y mette, sinon on y arrivera jamais. Le choix de l’association s’est aussi fait en fonction de ça, car SOS Femmes Solidarité est une association qui est gérée par un homme. Je trouve ça super intéressant, c’est lui qui a été le début de tout. Il m’a fait confiance dès le départ. Un jour, je suis arrivée dans son bureau avec des t-shirts “Angry Boobs” en disant que je voulais  travailler avec son association. Il a été d’accord tout de suite. Il gère l’association SOS Femmes Solidarité depuis plusieurs années maintenant. Je trouve ça très beau comme symbole, un homme qui gère l’association. 

Pensez-vous que les mentalités évoluent sur cette question ?

L.C. : J’ai eu un espoir en 2019-2020, mais plus maintenant. Je sens que ça régresse, et pas seulement en France, lorsque je vois que les droits fondamentaux des femmes sont complètement revus à la baisse comme aux États-Unis. Il y a énormément d’endroits où j’ai l’impression qu’on fait un bond en arrière de vingt ans. J’ai l’impression que la France prend le même chemin. Les agressions dans les villes où je me rends, me donnent un sentiment d’insécurité. Ça a empiré avec l’histoire des piqûres dans les boîtes de nuit et les festivals. Il faut vraiment faire attention aujourd’hui. Plus le temps avance, plus c’est compliqué donc non je ne suis pas très positive sur cette question. 

En quoi consiste votre collaboration avec l’association strasbourgeoise SOS Femmes Solidarité

L.C. : Je leur reverse 1 euro par produit vendu. Cet argent sert uniquement à aider les femmes. L’association bénéficie déjà des subventions de l’État, ma contribution sert principalement à faire connaître SOS Femmes Solidarité pour que des femmes qui en auraient besoin soient informées qu’elle existe. Les Strasbourgeois ainsi que les citoyens au niveau national ne sont pas forcément au courant qu’il y a des pôles qui peuvent les aider près de chez eux. C’est pour cette raison que c’est important de communiquer là-dessus, via la marque Rise up. Par exemple, il y a un message qui m’a fait pleurer pendant des heures lorsque  j’ai appris que l’argent que j’avais versé avait aidé à payer les lunettes d’une petite fille dont la mère avait été recueilli auparavant. 

L’association SOS Femmes Solidarité est-elle uniquement présente à Strasbourg ?

L.C. : C’est une association strasbourgeoise qui fait partie du réseau de la fédération nationale Solidarité Femmes, qui est présente partout en France. Cet organisme existe depuis 1987, il a pour mission de dénoncer les violences exercées à l’encontre des femmes. L’association qui se situe à Strasbourg existe depuis 40 ans.

Quels dispositifs avez-vous mis en place pour lutter contre les violences faites aux femmes avec l’association ?

L.C. : SOS Femmes Solidarité a trois pôles différents, dont un accueil de jour pour parler avec les femmes et être à leur écoute. J’ai envoyé pas mal de femmes que je connais vers cette association afin qu’elles puissent poser leurs questions. Il ne faut pas hésiter à y aller, car les bénévoles sont assez ouverts. Ils font preuve de gentillesse et de beaucoup d’attention envers les victimes. L’association a aussi un centre d’hébergement qui s’appelle le centre Flora Tristan, qui accueille les femmes victimes de violences. Ce centre possède plusieurs appartements dans Strasbourg, dont les adresses sont cachées.  Ces appartements permettent aux femmes et aux enfants d’avoir un toit. Ensuite, elles sont aidées par le centre qui les accompagnent pour reconstruire leur vie future via des ateliers et des séances de psychologues. C’est une aide complète, pendant 18 mois maximum. Les femmes qui arrivent au centre n’ont souvent plus de carte d’identité, plus de logement, de vêtements, rien. Il faut tout recréer de A à Z, cela prend beaucoup de temps, car il faut s’assurer qu’elles ne retournent pas chez leur agresseur. 

Quels sont les futurs projets qui arrivent en 2023 pour la marque Rise up ?

L.C. : Pour l’instant, je ne suis pas encore décidée, c’est en réflexion. J’ai envie d’un gros changement, j’ai arrêté de poster sur les réseaux sociaux justement pour réfléchir au futur de la marque. J’ai l’impression qu’il y a eu un changement depuis le lancement du mouvement social #MeToo , c’est ce qui fait que je veux tout faire bousculer. Je ne sais pas encore ce que ça va donner mais en tout cas, je vais essayer de m’adapter au maximum à l’ambiance actuelle. 

Pour le moment, les produits de la marque Rise up sont disponibles uniquement en France, pensez-vous les exporter à l’international ?

L.C. :  J’ai fait ma première vente au Nebraska, aux États-Unis. J’ai aussi des photos des vêtements qui me viennent de mes clients en Suisse et en Italie, à Venise. Le site internet de Rise up est accessible partout dans le monde. Mais pour le moment, je me concentre sur l’Europe. J’essaie de trouver des événements où je peux présenter la marque, je cherche aussi des partenariats avec d’autres associations en dehors de la France. Mon objectif est de développer les livraisons autour des pays frontaliers en essayant d’analyser les besoins dans ces pays-là. On n’est pas tous égaux en Europe en ce qui concerne le sujet des violences conjugales, c’est pour cette raison que je regarde les besoins qu’il peut potentiellement y avoir en fonction de chaque pays.

Pour terminer, où peut-on vous retrouver pour avoir plus d’informations sur votre marque Rise up ?

L.C. : Je suis principalement active sur Instagram, c’est là que je réponds le plus vite. Mais vous pouvez me trouver sur les autres réseaux sociaux comme Twitter et Facebook ainsi que mon site internet. S’il y a des questions ou même s’il y a des jeunes femmes qui se posent des questions sur les violences psychologiques ou physiques, elles peuvent m’envoyer un message. Je les orienterai avec grand plaisir auprès des personnes compétentes.

Avez-vous un mot de la fin ?

L.C. : Il faut qu’on reste soudé spendant cette période compliquée. Il faut qu’on arrive à s’aider les uns les autres pour faire avancer les choses.

Photos : Léa Cuvillier

Texte : Jasmine Morice

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